
Travailler moins longtemps, c’est possible. De nombreux assurés ignorent encore aujourd’hui qu’ils peuvent, sous certaines conditions, partir à la retraite avant l’âge légal de 64 ans, fixé par la réforme de 2023. Pourtant, plusieurs dispositifs permettent de bénéficier d’un départ anticipé, que ce soit en raison d’une carrière commencée très tôt, d’une situation de handicap reconnue ou d’une exposition prolongée à la pénibilité au travail.
Encore faut-il connaître les critères précis d’éligibilité, maîtriser les démarches administratives et préparer son dossier avec rigueur. Cet article vous propose un tour d’horizon complet pour vous aider à y voir plus clair.
Carrière longue : un départ possible dès 58 ans
Le dispositif carrière longue concerne les assurés qui ont commencé à travailler très jeunes. Il s’agit de reconnaître la pénibilité liée à une longue vie professionnelle. Depuis la réforme de 2023, quatre paliers permettent de partir avant l’âge légal : 58, 60, 62 ou 63 ans.
- Pour un départ à 58 ans, vous devez avoir commencé à travailler avant 16 ans et avoir validé 4 à 5 trimestres avant la fin de l’année civile de vos 16 ans, selon votre mois de naissance. De plus, vous devez avoir cumulé la durée d’assurance retraite exigée pour une retraite à taux plein.
- Pour partir à 60 ans, l’entrée dans la vie active doit avoir eu lieu avant 20 ans, selon les mêmes modalités de trimestres validés.
Il faut savoir que seuls les trimestres "cotisés" sont pris en compte dans le calcul de ce dispositif. Autrement dit, les trimestres dûment travaillés, ou assimilés comme ceux du service militaire ou de congé maladie dans la limite de quatre par an, entrent en ligne de compte. Les périodes de chômage, de congé parental ou de formation non rémunérée ne sont pas toujours comptabilisées.
Démarches : pour activer ce dispositif, il est nécessaire de demander une attestation de situation carrière longue auprès de votre caisse de retraite (CARSAT, MSA...) ou via le portail info-retraite.fr. Cette attestation conditionne ensuite la demande officielle de retraite anticipée.

Handicap : des conditions assouplies pour un départ anticipé
Les personnes en situation de handicap peuvent, sous réserve de certaines conditions, partir en retraite de manière anticipée, parfois à partir de 55 ans. Cette possibilité vise à compenser les difficultés liées à une carrière professionnelle marquée par des obstacles physiques ou psychiques.
Les conditions sont les suivantes :
- Disposer d’un taux d’incapacité permanente (IP) d’au moins 50 %, reconnu par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), ou bien d’un statut jugé équivalent, notamment si l’invalidité a été reconnue avant 2015.
- Avoir travaillé un certain nombre de trimestres pendant cette période de handicap, dont une fraction doit correspondre à des trimestres effectivement cotisés.
Plus le départ est envisagé tôt (55, 56 ou 57 ans), plus le nombre de trimestres requis est important. Il est donc crucial de bien se renseigner en amont.
Démarches : si vous n’avez pas encore de reconnaissance administrative, vous devez effectuer une demande auprès de la MDPH de votre département. Ensuite, contactez votre caisse de retraite pour évaluer vos droits. Il est vivement conseillé de demander une attestation de départ anticipé pour handicap 4 à 6 mois avant la date souhaitée de mise à la retraite.
Pénibilité : des points cumulés pour gagner des trimestres
Le Compte professionnel de prévention (C2P) a été mis en place pour les salariés exposés à des conditions de travail particulièrement difficiles. Il permet de reconnaître et de compenser ces expositions par l’acquisition de points, utilisables pour partir plus tôt à la retraite.
Il existe 6 facteurs de risque pris en compte :
- Le travail de nuit
- Le travail répétitif
- Le travail en équipes successives alternantes
- Le travail effectué en milieu hyperbare
- Les températures extrêmes
- Le bruit
Chaque année d’exposition donne droit à un certain nombre de points C2P. Ces points peuvent être convertis de trois façons :
- En trimestres pour un départ anticipé.
- En financement de formation professionnelle.
- En passage à temps partiel sans perte de salaire.
Démarches : c’est l’employeur qui déclare l’exposition via la Déclaration sociale nominative (DSN). Le salarié peut consulter son compteur sur le portail officiel du C2P. En cas d’anomalie ou d’oubli, un recours administratif est possible.

D’autres dispositifs à connaître
Au-delà de ces cas majeurs, d’autres situations particulières permettent aussi un départ anticipé à la retraite :
- Fonction publique : certains agents dits "en catégorie active" peuvent partir entre 52 et 57 ans selon leur corps de métier (policiers, aides-soignants, agents de conduite...). Les conditions varient selon les statuts et durées de services.
- Invalidité ou inaptitude au travail : une personne reconnue inapte peut partir à la retraite dès 62 ans, sans décote, même si elle n’a pas tous ses trimestres. Une pension d’invalidité peut aussi être convertie en retraite.
Ces situations requièrent souvent une étude personnalisée par la caisse de retraite.
Comment préparer efficacement son dossier ?
Un départ anticipé à la retraite se prépare sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Voici les grandes étapes à suivre :
- Consulter et vérifier son relevé de carrière : via le site info-retraite.fr. Ce document récapitule tous vos trimestres. Signalez toute anomalie (emplois manquants, trimestres oubliés, etc.).
- Effectuer les demandes d’attestations de départ anticipé (carrière longue, handicap, etc.) au moins un an avant la date cible.
- Constituer le dossier de demande de retraite en ligne sur lassuranceretraite.fr ou en rendez-vous avec votre caisse.
- Utiliser les simulateurs publics pour estimer vos droits et le montant prévisionnel de votre pension.
- Prendre rendez-vous pour un entretien information retraite gratuit, afin de bénéficier d’un accompagnement personnalisé.
Partir plus tôt à la retraite est un droit légitime pour de nombreux assurés, mais il n’est jamais automatique. Chaque dispositif repose sur des conditions précises et des justificatifs souvent complexes. Anticiper les échéances, se faire accompagner par des professionnels et bien connaître ses droits permet de maximiser ses chances de bénéficier d’un départ serein et conforme à sa situation. La retraite anticipée n’est pas un privilège, mais une opportunité pour ceux qui prennent le temps de la préparer.