Bien que la proportion des seniors à utiliser internet et plus généralement les outils digitaux augmente au fil des ans, ils sont encore très nombreux à être coupés du monde numérique.
Si l’on regarde chez les jeunes seniors, entre 60 et 70 ans, ils se sont largement mis aux nouvelles technologies notamment grâce à l’arrivée des smartphones et des tablettes. Leur principale utilisation d’internet est destinée à communiquer avec leurs amis et leur famille, à s’informer ou à s’instruire et de plus en plus à surfer sur les réseaux sociaux. Nous le constatons chez Papyhappy, les jeunes seniors naviguent sans problème sur notre plateforme pour s’informer sur les solutions de logements seniors, pour eux-mêmes ou pour un proche âgé.
Chez les plus de 70 ans, ce n’est pas la même chose. Ils ont grandi et vécu dans ordinateur, sans internet, et souvent même sans téléphone portable. Ils s’en portent très bien, et ne voient pas l’intérêt de changer les choses, les nouvelles technologies ne les intéressent pas. Ce monde connecté leur apparait à des années-lumière de ce qu’ils connaissent, de ce qui les rassurent. Certains n’ont tout simplement pas envie de se connecter ! Et pour ceux qui en ont envie, encore faut-il pouvoir s’y mettre. La peur de ne pas savoir faire et le manque de connaissances sont un vrai frein à l’utilisation d’internet. On peut avoir peur, rapidement se décourager, et même fuir ce monde inconnu. Et puis il faut rappeler que s’équiper coute de l’argent et tous les retraités n’ont pas les moyens de s’offrir un ordinateur, une tablette ou un smartphone, une connexion à internet, etc. Ils ont d’autres priorités, plus vitales. Autre cause de réticence : la peur de se faire pirater des données personnelles. Il est vrai qu’avec toutes les mises en garde contre les fraudes, certains préfèrent ne pas prendre de risques.
En résumé, oui, il y a une vraie fracture numérique générationnelle, avec de nombreuses personnes qui demeurent totalement étrangère au monde connecté.
L’illectronisme n’est pas un problème dès lors qu’il est choisi et qu’il ne pénalise pas la vie quotidienne, mais malheureusement ce n’est pas le cas dans notre société ultra connectée. La « digitalisation » grignote du terrain, le numérique est partout dans nos vies. Consommation, information, communication, et pas seulement ! L’administratif en est aussi une parfaite illustration. La feuille de route du plan Action Publique 2022 annonçait que 100 % des démarches administratives seraient numérisées d’ici 2022, nous ne sommes pas loin de cet objectif, avec 85% des démarches administratives dématérialisées. Le problème, c’est que certaines d’entre elles se font exclusivement en ligne. Vous souhaitez immatriculer un véhicule ? La demande de carte grise, c’est en ligne ! Demande de carte vitale ? En ligne aussi ! Faire une demande de logement social ? C’est aussi en ligne, enfin disons qu’on vous indique que c’est préférable si vous souhaitez que votre dossier soit traité rapidement. Idem dans le cadre d’une entrée en EHPAD, avec la plateforme Via Trajectoire qui est un peu le Parcours Sup de nos ainés, il est nécessaire de déposer une « candidature » en ligne.
On est d’accord, il y a de vrais avantages au numérique et à la dématérialisation des services. Avoir accès à une quantité quasi infinie d’informations, une quantité de produits et consommables aussi. Gagner du temps, éviter des déplacements, simplifier les démarches ou économiser le papier. Mais encore faut-il que cela fonctionne bien et que l’outil soit suffisamment maîtrisé. Des codes d’accès, des identifiants, des identités numériques, de quoi s’arracher les cheveux ou prendre ses jambes à son cou pour les non-initiés. Le Credoc publiait en 2017 une étude révélant que ⅓ des Français éprouvent un blocage face à ces nouvelles pratiques et franchement on les comprend. Même pour les ultra-connectés, c’est parfois un parcours du combattant. Alors imaginons pour des novices de l’internet !
Dans bien des cas, on fait appel à un proche, un ami ou une connaissance qui va nous aider, nous dépanner. Mais il ne faut pas oublier que de nombreuses personnes âgées sont isolées tout court, pas seulement numériquement. Il serait injuste de dire que rien n’est proposé. Des dispositifs ont été mis en place pour accompagner les « illectronisés ». On voit pousser des « maisons France Services », notamment dans les zones rurales. Ce sont des guichets uniques de proximité regroupant sur leur site plusieurs administrations (santé, famille, retraite, droit, logement, impôt, recherche d’emploi…) et qui proposent un accompagnement (y compris numérique) pour les démarches administratives du quotidien. Parmi les dispositifs, on peut également citer le numéro de téléphone Solidarité Numérique (01 70 772 372).
Certaines municipalités vont plus loin. L’une d’entre elle a par exemple missionné Papyhappy pour assurer un service d’information, de conseil et d’assistance aux démarches en lien avec le logement auprès des habitants seniors. Les gens viennent nous voir pour s’informer, pour être conseillés et si besoin être assistés pour les demandes de logements sociaux ou d’aides financières au déménagement qui se font maintenant en ligne.
Des démarches non faites, des aides financières non sollicitées par des personnes âgées qui pourtant en auraient vraiment besoin… un vrai sujet ! Autre conséquence collatérale pour toutes ces personnes non connectées ou qui maitrisent mal, c’est le sentiment d’être dépendant, dépassé, incapable de se débrouiller seul, laissé en marge d’une société qui avance sans eux. Une sorte de sentiment d’exclusion. Et puis il y a l’isolement physique. Quand il s’agit de personnes qui vivent seules, le contact avec le commerçant, avec le guichetier, avec la secrétaire de mairie sont des petits moments essentiels au quotidien pour maintenir le lien social. Lorsque tout se fait en ligne, à distance, on supprime des occasions d’échanger. Difficile de poser une question ou de discuter avec un ordinateur… Et ceci est aussi valable pour les personnes qui ne sont pas isolées mais qui apprécient les relations humaines !
A sa création en 2016, Papyhappy proposait uniquement un comparateur en ligne du logement seniors, un outil numérique pour aider les seniors et les familles à choisir un logement. Mais rapidement nous avons réalisé qu’il fallait proposer une solution alternative pour les « non-internautes », une solution plus classique, à l’ancienne, rassurante, avec des échanges téléphoniques et postaux, des comptes-rendus écrits, avec une vraie écoute et de l’humain.
Nous l’avons vu, difficile de faire sans internet. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre ! Nous voyons fleurir de plus en plus de structures et d’initiatives qui forment les seniors à l’utilisation d’internet sur l’ensemble du territoire. Des associations accompagnent individuellement les seniors grâce à des bénévoles, souvent des jeunes qui font découvrir le web aux seniors. Des bus tout équipés vont à la rencontre des seniors les plus isolés qui peuvent suivre gratuitement des ateliers de formation au numérique. Des espaces publiques qui proposent aux seniors des ateliers d’initiation ou de perfectionnement à l’utilisation du numérique.
Il y a aussi de belles initiatives qui s’adressent aux plus âgés et aux moins autonomes. On fait entrer le numérique dans les EHPAD, on fait découvrir les tablettes aux résidents, on met à leur disposition des outils connectés pour leur permettre de communiquer avec leurs familles, pour s’amuser, pour se divertir ou encore pour entretenir leurs facultés cognitives. Le confinement a accéléré le développement des nouvelles technologies dans les établissements afin de lutter contre l’isolement.
Ce qui est sûr, c’est que si on veut réduire la fracture numérique actuelle, il faut donner du sens au numérique, intéresser les seniors en leur faisant découvrir l’intérêt qu’ils peuvent trouver à l’utilisation d’internet, bien au-delà de l’aspect incontournable des démarches administratives… Faire découvrir l’univers numérique d’une façon récréative et susciter l’envie en montrant qu’on peut se divertir, s’informer, se cultiver, voyager… semble la meilleure option. Eviter le rejet à tout prix ! Et surtout, toujours laisser la possibilité de faire autrement.
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